#01- LE MYSTÈRE DES OGHAMS
Scénariste(s) : Jean-Luc ISTIN, Thierry JIGOUREL
Dessinateur(s) : Jacques LAMONTAGNE
Éditions : Soleil
Collection : Soleil Celtic
Série : Druides
Année : 2005 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (1/6)
Genre(s) : Fantastique médiéval, Historique, Thriller fantastique
Appréciation : 5 / 6
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le Nom de la Rose, version druidique...
Écrit le lundi 27 août 2012 par PG Luneau
La consternation règne dans un petit monastère isolé d’Armorique! En effet, on vient de découvrir le cadavre d’un moine, le corps transpercé d’un pieu… et la tête tranchée!!? Plus inquiétant encore : ce macchabé n’est pas le premier que l’on retrouve dans la région!! On dirait que quelqu’un a décidé de s’en prendre aux moines... Mais pour quelle raison? À en croire les entailles qui ornent les pieux en question, des symboles celtiques appelés «oghams», ces actes d’une extrême barbarie seraient l’œuvre de druides!
Il est vrai qu’en cette fin de Ve siècle, la coexistence entre druides de l’Ancienne Religion et moines chrétiens n’est pas de tout repos! C’est que le christianisme s’impose inexorablement, partout en Europe, forçant ainsi les tenants de la Déesse-Mère à se terrer de plus en plus profondément dans les forêts! Serait-ce que les druides en auraient assez de plier et avaient décidé de passer en mode contre-attaque??
Le vieux frère Budog, en charge du monastère de l’île de Bréhat, en doute un peu. Aussi, pour en avoir le cœur net, il fait appel à un de ses amis d’enfance qui, lui, est devenu druide : Gwenc’hlan. Homme brillant et réfléchi, lui seul pourrait être en mesure d’éclaircir ce mystère. C’est donc sur ce terrain miné et sous les regards soupçonneux des autres religieux que Gwenc’hlan et son acolyte, le jeune Taran, devront tenter de comprendre ce qui se passe réellement dans la région armoricaine. Devront-ils accuser certains de leurs compatriotes, ou sont-ils en présence d’un coup monté?? Si tel est le cas, par qui? Et pourquoi?
Avec le Mystère des Oghams, Istin, Jigourel et Lamontagne nous lancent d’emblée dans une enquête palpitante, à mi-chemin entre le Nom de la Rose (le très célèbre roman d’Umberto Eco) et les enquêtes du frère Cadfael (une excellente série de romans policiers, écrite par Ellis Peters et se déroulant au Moyen-âge dans un monastère anglais)! À l’image du légendaire brouillard breton, les âmes des protagonistes semblent souvent en cacher plus qu’elles n’en montrent, ce qui complexifie d’autant le travail de «l’inspecteur» et donne un cachet mystique tout à fait envoûtant. Le dessinateur québécois Jacques Lamontagne parvient d’ailleurs, avec beaucoup de talent, à recréer, en images et en couleurs, des ambiances embrumées, parfois glauques, qui siéent à merveille au caractère sourd de ce début d’enquête.
Car, il faut le préciser, nous sommes en présence d’un premier tome de série : ce qui s’y passe est passionnant, mais, au bout du compte, on n’est pas très avancé… et c’est bien parfait ainsi! En effet, comme ce premier cycle s’échelonne sur six albums, il faut bien en laisser pour les tomes à venir! Nous n’en sommes donc qu’aux balbutiements de l’enquête… Mais, pour ma part, j’ai quand même commencé à prendre des notes : mon petit doigt me dit que j’aurai, ce faisant, plus de chance de bien suivre les méandres de cette saga, qui s’annonce captivante, et de me retrouver parmi les dizaines de personnages, aux fonctions diverses et aux étranges noms bretons à l’orthographe aussi originale qu’imprononçable!! À votre place, j’en ferais autant! ;-)
Chaudement recommandé, à partir de quinze ou seize ans.
Plus grandes forces de cette BD :
- la couverture, sublime. C’est vaporeux, mystique, intrigant… et le cavalier rappelle les inquiétants Cavaliers noirs du premier tome du Seigneur des anneaux!! Brrrrrrr!
- ma dédicace. J’ai eu le grand bonheur de rencontrer monsieur Lamontagne à quelques reprises, et c’est lors du dernier Festival de la BD francophone de Québec, en avril dernier, qu’il m’a dédicacé cet album, l’ornant d’un très beau Taran au regard soucieux! Je suis très fier de ce splendide dessin mêlant crayon et aquarelle!
- l’introduction des auteurs. Dans un texte assez consistant, Istin et Jigournel nous précisent le contexte historique dans lequel se déroule ce récit. J’ai bien aimé la prise de conscience qu’ils m’ont permis de faire, et qui est celle-ci : le Moyen-âge débute, dit-on, à partir de la Chute de l’Empire romain. Toutefois, je n’avais jamais réalisé que cette disparition progressive de l’autorité romaine a fait place, en fait, à une omniprésente autorité catholique romaine, dans toute l’Europe occidentale! Bref, la grande différence entre la fin de l’Empire romain et le Moyen-âge, c’est simplement que le politique a fait place au religieux!
- l’unité des couleurs. Chaque scène a sa teinte dominante, qui crée une ambiance bien spécifique. Ces successions de teintes facilitent l’identification des changements de séquences.
- le thème! Quelle belle idée d’aborder cette époque dont on entend si peu parler!! Après tout, Astérix nous a fait croire qu’on savait tout sur les Gaulois et les Celtes, alors qu’il ne visait qu’à nous faire rire, et qu’il était à cent lieues de la vérité historique! Ici, même si les auteurs nous précisent d’emblée qu’ils se permettront parfois de faire de petits accrocs à certains détails historiques quand leur récit l’exigera, il n’en demeure pas moins qu’ils restent très fidèles aux résultats de leurs recherches sur le mode de vie des Celtes et des premiers moines bretons. Ça donne un récit très instructif.
- le caractère policier du récit. Le druide Gwenc’hlan est invité par les moines à mener une enquête, une enquête d’autant plus excitante que les crimes, atroces, ont été commis chez les moines (qui sont en quelque sorte les «rivaux» des druides)… et que tout porte à croire qu’ils sont l’œuvre d’un druide!! Gwenc’hlan doit donc chercher à découvrir la vérité en territoire on ne peut plus hostile! Ce contexte rajoute beaucoup au suspense, ce qui est fort intéressant!
- la fluidité de la narration. Jusqu’à maintenant, elle s’avère suffisamment coulante pour que mon pauvre vieux cerveau encroûté puisse suivre l’intrigue… À ma défense, précisons toutefois que l’énigme n’est pas encore tellement développée : j’ai donc peu de mérite!! ;-)
- le lexique, à la fin, sur les pages de garde arrière. Il permet d’obtenir des précisions fort appréciées, principalement sur les noms de lieux et de peuples. C’est d’autant plus utile que mes connaissances en gaélique sont des plus limitées, pour ne pas dire totalement inexistantes!! ;-)
Ce qui m’a le plus agacé :
- la complexité des noms et des expressions en gaélique, en celte ou en plein d’autres langues antiques! Des mots comme Uxisama, Samonios, Mapiniacos ou Verdruis ne me sont vraiment pas familiers… mais (merci chers auteurs!) ils nous sont heureusement expliqués dans le lexique!! Par contre, ça se complique avec les noms des personnages aux graphies (et sonorités, lorsque prononçables!!) tout à fait étranges : Gwénolé, Gwenc’hlan, Mawdez, Tutgwal… Toutes ces syllabes bizarres sont tellement loin de ce que je connais qu’il m’arrive de les confondre… d’où l’importance que je m’en réfère à mes notes!! Car je comprends tout à fait qu’il s’agit ici d’un mal nécessaire!! En effet, je préfère bien évidemment ces noms bien réels, aux accents gutturaux, à des noms plus contemporains mais qui seraient totalement incongrus dans ce contexte historique!
- la laideur du frère Gwénolé. Plusieurs des pauvres moines présentés ici par Lamontagne sont assez repoussants merci (dont le fourbe frère Iltud), et ça semble aller avec la représentation qu’on se fait de l’époque! Mais ce Gwénolé est particulièrement effrayant avec son regard cadavérique… Sa laideur est telle qu’elle me met mal à l’aise! Ça prouve, bien sûr, que Lamontagne l’a merveilleusement bien campé… mais ça rend le personnage suspect dès le départ, ce qui risque de s’avérer plutôt cliché s’il est impliqué dans l’affaire… comme je le soupçonne!!
- la trop grande ressemblance entre Gwenc’hlan et Sean Connery!!? Lors de ma première rencontre avec monsieur Lamontagne, en 2006, celui-ci m’a avoué que c’est expressément qu’on lui avait demandé de mettre une tête à la Connery à son héros : à cause de la popularité du film le Nom de la Rose, tiré du roman éponyme d’Umberto Eco, avec monsieur Connery dans le rôle principal du moine-enquêteur, cela avait semblé être une bonne idée aux yeux des éditeurs (ou des scénaristes, je ne sais plus trop)… Je ne suis vraiment pas d’accord : cette ressemblance flagrante m’a agacé tout au long de ma lecture!! Sans compter qu’ici, l’enquêteur est un druide, pas un moine!!??
- quelques petites maladresses graphiques. Par exemple, il me semble que les proportions tête/corps ne sont pas toujours tout à fait exactes (p.37, case #2), ou que certains visages ne sont pas aussi soignés qu’ils le pourraient (comme à la p.24, vignette #3). Un autre exemple : le torque, cette espèce de collier gaulois fait d’une simple tige de métal tordue, ne semble pas tenir de façon très naturelle autour du cou de Gwenc’hlan, aux p.18 et 19.
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