#01- RUE DES OURSINS
Scénariste(s) : Jean CHAKIR
Dessinateur(s) : Jean CHAKIR
Éditions : le Coffre à BD
Collection : X
Série : Héroïko et les Dog-Boys
Année : 1979 Nb. pages : 58
Style(s) narratif(s) : Courts récits
Genre(s) : Aventure humoristique, Quotidien, Western / Amérindiens / Nlle-France, Héros animalier
Appréciation : 5 / 6
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Tendres jeux d'enfants pas tendres envers les Pieds-Tendres...
Écrit le mardi 31 juillet 2012 par PG Luneau
Tomes lus :
#01- Rue des Oursins
#02- le Cavalier noir
#03- le Grand secret
#04- l'Apollon du réverbère
Comme tous les jeunes de ma génération, j’ai eu, vers quatre ou cinq ans, mon kit du parfait cow-boy, avec chapeau, pistolets, ceinturon et cravate assortis… Mais jamais je n’ai autant rêvé en être un qu’en lisant, quelques années plus tard, les aventures d’Héroïko et les Dog-Boys dans mes Pif Gadget!... Et pourtant, on n’y retrouve que des cow-boys de pacotilles!! Peut-être d’ailleurs était-ce justement à cause de cette distanciation que leurs aventures prenaient tant de valeur à mes yeux : elles en avaient l’air d’autant plus accessibles, réalisables… Il est vrai que j’ai toujours adoré les gros chiens!
Car Héroïko et ses camarades ne sont pas de vrais cow-boys!! Ce ne sont qu’une bande de gamins, d’une dizaine d’années, qui décide d’y jouer, mais avec pas mal plus de sérieux que n’importe quel autre jeune : ils portent le costume complet, en permanence, ils font la «guerre» à une bande rivale, costumée en Amérindiens du matin au soir et, le plus cool, ils parcourent leur quartier en chevauchant… leurs gros pitous!! Six gros mastodontes, sellés, de races plus ou moins bâtardes mais du calibre de Marmaduke, et tous assez musclés pour non seulement soulever ces garçons, mais en plus les entraîner en galopant à en perdre haleine! De quoi rêver, je vous dis…
Chakir a créé ces deux bandes rivales (Héroïko et ses deux acolytes, Bokabière et Jerry Goud vs le chef «indien» Ongle-Noir et ses deux braves guerriers, Fesse-Rouge et Œil-de-Taupe) pour le magazine Pif Gadget. Pendant quatre ans, de 1979 à 1982, ce bédéiste aux traits si sympathiques a pondu pas moins de 36 courts récits de cinq à sept planches, abordant par le biais de l’humour tous les poncifs du western : la ruée vers l’or (ici, une course aux crocus fleuris!?!), le passage du chemin de fer (de foire itinérante), l’attaque de la diligence (construite à partir d’un chariot d’épicerie)… L’ingéniosité avec laquelle Chakir exploite ces thèmes et les trafique pour les accoler au contexte d’une bande de gamins des années 80 fait vraiment plaisir à voir… tout autant qu’elle ravive, dans mon cas, bien des souvenirs de lecture!
Le Coffre à BD est une maison d’éditions qu’on peut presque qualifier d’artisanale et qui se spécialise dans les BD d’antan qui ne trouveraient jamais d’éditeur autrement. Elle est d’ailleurs rattachée à l’excellent site BD oubliées. Quand j’ai découvert qu’elle avait pris l’initiative de publier les aventures d’Héroïko, qui n’étaient encore jamais parues en album, je n’ai pas hésité longtemps. Il était temps que l’on s’intéresse à l’œuvre de Chakir, un bédéiste dont j’ai toujours adoré la candeur et l’humour, et que j’avais connu longtemps auparavant, via une autre petite série difficile à dénicher : Tracassin, aussi connue sous le titre Séraphin contre Angelure (le Coffre à BD a aussi édité l’intégrale de cette série!). J’ai donc rapidement commandé les quatre albums constituant l’intégrale des aventures d’Héroïko, en espérant que la qualité de l’édition allait en valoir le coût. Je n’ai pas été trop déçu sur ce point.
Et puis, une douce nostalgie, est-ce que ça a un prix?? J’ai tellement apprécié retrouver le héros, chevauchant Polype, sa monture, défendant Miss Monique, sa petite copine, ou Troisième Âge, un vieux monsieur sans-le-sou qui prend plaisir à entrer dans les jeux de ces six jeunes à l’imaginaire si puissant! J’ai apprécié retrouver la charmante madame Obalaymoissa, la vieille institutrice qui accepte de fermer les yeux sur les accoutrements loufoques de ces garçons, «tant qu’ils travaillent bien»… J’ai même pris plaisir à retrouver le grognon propriétaire du petit bistrot du coin, le Western bar, qui, avec sa chatte Minouche, n’apprécie pas trop que ces cow-boys d’opérette viennent jouer des parties de baby-foot en entrant dans son établissement… à dos de cabots!
Bien sûr, à travers ces récits, nous n’avons pas affaire qu’à des chicanes d’ordre scolaire ou ménager, comme les cours de conduite de Madame Obalaymoissa ou le régime de Tunique Bleue, l’agent de circulation du boulevard! Il arrive très fréquemment que nos héros et leurs rivaux, les Indiens de la Rue des Oursins, se liguent pour résoudre des problèmes plus graves, comme secourir le Petit dernier des Mohicans et sa famille dans le besoin, ou capturer des vauriens en tous genres qui osent s’en prendre au portefeuille de Troisième Âge ou qui tentent de cambrioler la bijouterie du père de Miss Monique! Bref, c’est à toute une panoplie de situations que ces gamins et leur créateur nous convient… et je n’aurais manqué leur invitation pour rien au monde!!
Pour conclure, je vous dévoile ici un de mes petits secrets honteux : j’ai tellement aimé ces récits, quand j’étais jeune, que j’en ai arraché les pages, avant de me débarrasser de mes vieux magazines. Pire : pour qu’elles se conservent mieux, je les ai plastifiées, il y a une dizaine d’années!! Et c’était toujours avec une coupable délectation que je me replongeais dans ces aventures, une fois aux deux ou trois ans… Dans la lignée de celles vécues par Totoche ou Quentin Gentil et les As, elles me rappelaient toutes ces aventures enfantines classiques qu’on vivait, ou s’imaginait vivre, dans le bon vieux temps d’avant l’ère électronique, à la belle époque où il n’y avait ni ordi (et encore moins d’Internet ou de YouTube), ni jeu vidéo (ou si peu)… Grâce au Coffre à BD, je peux maintenant les relire en version reliée!!
Vous l’aurez compris, je recommande cette chouette (mais difficilement accessible) série aux nostalgiques qui, comme moi, aiment retrouver leurs héros d’enfance, même trente ans plus tard!
Plus grandes forces de cette BD :
- Qu’elle ait été rééditée, après m’avoir tant fait rêver! Grand merci aux éditions du Coffre à BD pour leur travail de diffusion et de promotion d’une foule d’excellentes séries d’antan, méconnues. D’ailleurs, je ne suis pas peu fier d’avoir une édition numérotée : j’ai le 27e exemplaire du tome #1, le 24e du tome #2 et les 23e des tomes #3 et 4!!
- la grande solidité de la reliure. Ayant commandé ces albums par la poste, j’étais un peu dubitatif de ce que j’allais recevoir… et ma foi, c’est vraiment du solide!! Sur ce point, la qualité matérielle est plus que satisfaisante : bien des maisons d’éditions établies devraient prendre exemple sur les reliures du Coffre à BD!!
- l’imagination de Chakir et son exploitation du thème. Il a fallu être ingénieux pour arriver à «westerniser» le quotidien de jeunes garçons des années 80! Chaque événement, même le plus banal, est présenté sous un angle où le Far West est à l’honneur! Ces gamins vivent intensément chaque situation comme s’ils étaient de véritables petits John Wayne, en plein cœur du Colorado!!
- le dessin! Chakir a vraiment un trait tout en courbes, parfait pour le style humoristique et enfantin dans lequel il navigue. J’ai toujours été très attiré par la bonhomie et la chaleur humaine qui ressortent de ses dessins, et je reconnaîtrais son style parmi mille! Je n’hésiterais pas, non plus, à lire ses autres séries tant j’apprécie la fraîcheur de ce trait qu’il maîtrise si bien!
- les indications de parutions originales. Elles sont très instructives et permettent de savoir exactement à quelle époque ces récits ont été réalisés. Dommage qu’il y ait une coquille, dans le tome #3 : à cause d’elle, il nous est permis de douter de l’existence des récits d’Héroïko (et du Pif gadget dans son entier!!) entre les années 1980 et 1987 (ils ont mis un 7 là où on aurait dû lire un 1, pour faire 1981!!)
- la note explicative de Chakir, et les quelques «model sheets» qu’il nous offre en complément de certaines planches, dans les tomes #1 et 2. Ces croquis sont d’autant plus intéressants qu’ils nous montrent les premiers élans de l’artiste : plusieurs modifications ont été apportées par la suite! Par exemple, presque tous les chiens ont changé d’allure, ou ont été attribués à un autre propriétaire! De plus, la carte du quartier, qu’on nous offre dans le tome #3, nous apprend qu’Ongle-Noir, le chef amérindien, avait été pressenti pour être le fils du maire, et Bokabière, celui du tenancier du Western Bar… ce qui n’a pas été le cas, finalement!
- le plaisir de découvrir plein de nouveaux récits que je n’avais jamais lus auparavant. Comme je n’avais qu’une dizaine de récits dans mes archives, cette intégrale m’en présente une bonne vingtaine d’autres qui sont, pour moi, autant de nouveautés!! Que du bonheur!
Ce qui m’a le plus agacé :
- les illustrations de couverture. Elles ne sont que des reprises d’un élément d’une vignette, grossi à outrance (à la limite de la pixellisation!) et plutôt mal monté, sur un fond uni. Puisque monsieur Chakir a écrit une note en préface, il aurait pu soumettre quatre dessins originaux ou, du moins, fournir des dessins plus garnis, ou moins altérés par le grossissement!?
- le papier mat, qui affadit les couleurs. Dommage car la vivacité des couleurs originales était pour beaucoup dans le punch de la série.
- la calligraphie de Chakir, dans les phylactères. Souvent, les S ressemblent à des B et les N, à des H. À plusieurs reprises, au cours de ma lecture des quatre tomes, j’ai buté sur ces lettres!
- la fin en queue de poisson de certains récits. Curieusement, à partir du milieu du troisième tome (ou du 20e récit, pour être plus précis), il arrive assez fréquemment que Chakir soit pris pour clore tout son récit dans sa seule demi-planche finale! Il en résulte des fins verbeuses, ou boiteuses, qui détonnent vraiment d’avec les premiers épisodes. Il est vrai que c’est à partir de cette époque, à la fin de l’année 1980, que ces récits sont passés de six planches et demie à cinq planches et demie… Comme quoi une seule planche peut faire toute la différence, dans des récits aussi courts!!
- Une erreur majeure de continuité scénaristique! Dans l’épisode XXVII, l’Apollon du réverbère, Chipie-Squaw, la copine d’Ongle-Noir, se retrouve dans la classe de Madame Obalaymoissa, avec Miss Monique et les Dog-Boys!! Pourtant, il avait bel et bien été établi, dans l’épisode XI, les Neiges du col Orado, notamment, qu’elle allait à l’école des Indiens de la rue des Oursins!
- la typographie de la couverture arrière et du revers de la page de titre. Le Coffre à BD pourrait, il me semble, faire preuve d’un peu plus d’originalité que d’utiliser la si populaire police de caractère Comic!! De plus, leur texte de présentation, sur la quatrième de couverture, aurait gagné à avoir une marge plus large : le texte en question débute à deux millimètres de la bordure de la couverture!? Pourquoi?? Il y avait pourtant amplement d’espace pour étaler le texte en longueur?! Ces petits détails techniques pourraient facilement être modifiés. Ils amélioreraient grandement la qualité esthétique de ces albums, sans nécessité l’embauche d’un designer graphique! De plus, une autre coquille s'est glissée sur la quatrième de couverture : La cavalier noir! Il me semble qu'une révision sérieuse va de soit, avant d'imprimer un document pareil, non??
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