#01- LA MORT DE L'INTENDANT LO
Scénariste(s) : Patrick WEBER
Dessinateur(s) : Emanuele TENDERINI
Éditions : Humanoïdes associés
Collection : Dédales
Série : Oeil de Jade
Année : 2006 Nb. pages : 48
Style(s) narratif(s) : Récit à suivre (1/2)
Genre(s) : Aventure policière, Historique
Appréciation : 3 / 6
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Chinoiseries édulcorées
Écrit le samedi 24 avril 2010 par PG Luneau
L’enquêteur Wang, de la police impériale, se doit d’avoir les reins solides : sa vie prend une tangente assez hasardeuse depuis quelques temps. En fait, depuis qu’on l’a affecté à la campagne, dans la province de Shandong, où il ne connaît personne et où tout le monde le considère comme un péquenaud doté d’un accent pas possible. Qui plus est, il passe pour un m’as-tu vu qui veut se mêler de tout et de rien!! Comme vous pouvez le constater, les attitudes belliqueuses à l’égard des étrangers ne datent pas d’hier, puisque ce récit se déroule dans la Chine du XIIIe siècle!!
Houspillé par ses deux épouses, qui sont très déçues de se voir considérées comme des parias, et dérangé par ses deux enfants (une toute jeune fillette qui veut toujours jouer et un grand adolescent qui veut l’assister dans ses enquêtes), Wang est aussi confronté à une délicate affaire. En effet, il se retrouve avec la Mort de l’intendant Lo sur les bras! Un célibataire paisible, ce Lo, et apprécié de tous, qui ne s’octroyait qu’une visite au bordel quelques fois par mois… mais qui était follement amoureux de la femme d’un riche marchand local! À qui appartient la flèche à empennage rouge qui l’a tué? Tout porte à croire que Tigre blanc, un justicier masqué, défenseur du petit peuple contre le joug des puissants seigneurs, ne serait pas étranger à tout cela!... Le problème, c’est que derrière son (horrible!) masque, le Tigre blanc est en fait une tigresse… et l’amante passagère de Wang, par surcroît!!! Des problèmes en perspective : l’homme de loi devra-t-il en venir à capturer sa belle maîtresse?!?!
Ce polar historique fait partie de la déjà défunte collection Dédales, des Humanoïdes associés, collection que j’adorais et qui se voulait spécialisée dans ce genre. Ainsi, une dizaine de séries policières y ont débuté, se déroulant toutes à des époques différentes de notre histoire : Palestine à l’ère du Christ, Chine et Europe médiévale ou de la Renaissance, Égypte et Rome antique, Russie des tsars… Visuellement intéressantes et axées sur des scénarii généralement solides, ces séries étaient, pour la plupart, très encourageantes. Œil de Jade était peut-être la moins attrayante de toutes.
Malheureusement, la collection est morte (snif!). Mes nouveaux amis Antoine Sèvres et Novikov, ne vivront pas d’autres aventures (re-snif!). De plus, dans sa chute, Dédales a eu le culot d’emporter avec elle les conclusions de ses deux séries les plus léchées, Néféritès et Galata : re-re-snif!… ou plutôt merde! Il est où, le respect du lecteur, là-dedans?!?! Me voilà pris avec trois albums dont je ne connaîtrai apparemment jamais la conclusion!!! Les éditeurs devraient au moins avoir l’obligation morale de publier la fin de leurs récits en cours!!... J’avoue toutefois ne pas avoir mené l’enquête sur les raisons de cette dissolution, qui me semble un peu trop prématurée à mon goût. Même le très beau site internet de la série n’a pas eu le temps de finir de s’installer… que tous les projets étaient jetés au rancart!! Seul Shimon de Samarie semble s’en être sorti sans trop de mal : après une enquête en deux tomes publiée sous le label Dédales, une nouvelle enquête vient de débuter, dans la collection générale des Humano cette fois, mais sous un nom «revampé» : le Samaritain !
Pour ce qui est d’Œil de Jade, précisons que Wang a au moins pu terminer sa première enquête puisque les auteurs avaient prévu la présenter en deux tomes. Je vous en reparle dans quelques jours, suite à ma lecture de la conclusion.
Plus grandes forces de cette BD :
- le fait de connaître combien il y aura de tomes!! C’est un petit détail, mais il a grandement contribué à mon attachement à la collection Dédales! Sur le premier album de chaque série, on pouvait clairement savoir si le récit allait s’échelonner sur un, deux ou trois tomes : une charmante attention, fort appréciée! J’avais même, à l’époque, émis le souhait que toutes les maisons d’édition soient tenues d’inscrire cette information sur chacune de leurs séries à suivre, question de prévenir le consommateur : n’est-il pas important de savoir dans quoi on s’embarque avant de s’y engager? Un récit de deux tomes n’entraîne pas le même déboursement qu’une série en quatorze ou vingt tomes!! C’est un pensez-y bien!
- le marque-page ex-libris. Au lancement de la collection, le premier tome de chaque série débutait avec une page cartonnée offrant un marque-page à l’effigie du héros, en pied. Sur fond noir, avec le logo de la collection en filigrane (un petit coin de labyrinthe), ils étaient très class.
- le bel effort mis sur les particularités vestimentaires pour nous aider à distinguer les personnages. Je sais que ça ne fait pas très «politiquement correct» de l’avouer, mais je suis esclave de ma culture : j’ai beaucoup de difficulté à discriminer les visages asiatiques! Beaucoup plus que lorsque je suis en présence de visages caucasiens, par exemple! Et c’est la même chose en BD. En d’autres circonstances, on peut se référer aux noms des personnages… mais, encore ici, les sonorités sont si différentes qu’elles ne m’aident en rien. Je ne parviens pas plus à associer tel nom à tel visage. Wang, Yong Li ou Wu Yi, pour moi, c’est… du chinois!?! Donc, je félicite les deux créateurs pour avoir réussi, malgré ces difficultés, à concevoir un scénario qui facilitait l’identification des personnages. En ce qui me concerne, c’est beaucoup grâce à la rigueur graphique, dans les coiffures, les vêtements ou les couleurs, que j’ai pu bien me retrouver malgré mes tares en la matière!
Ce qui m’a le plus agacé :
- la fadeur des couleurs. Tout est en tons de vieux sépia, de gris-bleu délavé, de beige et de lilas. Si le tout démontre une belle homogénéité et caractérise bien le fait que le récit se déroule il y a très longtemps (à la fin du XIIIe siècle), ça enlève aussi beaucoup de fraîcheur et de dynamisme.
- les dessins d’Emanuele Tenderini, qui n’ont rien de transcendants. Ils sont corrects, sans plus. Ses visages sont assez peu expressifs… Peut-être est-ce voulu, pour démontrer l’impassibilité légendaire des Chinois? Si c’est le cas, c’est réussi… mais ennuyant!! Avec les couleurs malades et la relative lenteur du scénario, ce n’est rien pour soulever les foules!
- les quelques scènes d’action, qui sont plutôt figées. Monsieur Tenderini, le dessinateur, n’a pas tellement le tour de nous faire comprendre les enchaînements de mouvements. Cela fait en sorte que l’on se retrouve devant des suites de poses, disposées côte à côte, comme si les personnages nous présentaient des katas sans aucun lien entre eux!! Ça rend la compréhension de certaines batailles (notamment celle de la page 26) tout à fait impossible!
- l’horrible masque du Tigre blanc. Je veux bien croire qu’il se veut épeurant, pour donner à l’individu une prestance à la hauteur de sa sale réputation, mais tout de même! Il est plus grotesque qu’épeurant, en fait. On dirait même un de ces ridicules masques de lutteurs mexicains, les Lucha Libre ! Et puis, une fille qui réussi à se faire passer pour un garçon, j’ai toujours trouvé ça dur à avaler!
- le nom de la série. Pourquoi Œil de Jade? C’est ridicule : ces mots n’apparaissent nulle part dans tout l’album!! Le héros est toujours appelé par son patronyme, Wang. Où les auteurs veulent-ils en venir en utilisant cette appellation pour désigner leur série? Comment interpréter ce choix? Est-ce le surnom de Wang? Si c’est à cause de la couleur de ses yeux, on peut difficilement le savoir : ils sont toujours mi-clos, et leur couleur en est si pâle! Bref, cela reste un mystère!! À moins qu’on en apprenne plus dans le tome #2? Je suis sceptique!
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